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Cependant, lorsque Mlle de Cardoville avait réuni autour d'elle les membres de sa famille, afin de les prémunir contre les trames de leurs ennemis, l'affectueuse tendresse d'Adrienne pour Rose et pour Blanche parut exercer sur leur mystérieux chagrin une si heureuse influence, que le maréchal, oubliant un instant de bien funestes préoccupations, ne songea qu'

Celle-ci apprit ainsi et l'espionnage incessant de Florine, et la cause du brusque départ de la Mayeux. À ces révélations, Adrienne sentit son affection, sa tendre pitié pour la pauvre ouvrière, augmenter encore. Par son ordre, les plus actives démarches furent faites pour retrouver les traces de la Mayeux. Les aveux de Florine eurent un résultat plus important encore: Adrienne, justement alarmée de cette nouvelle preuve des machinations de Rodin, se rappela les projets formés alors que, se croyant aimée, l'instinct de son amour lui révélait les périls que couraient Djalma et les autres membres de la famille Rennepont. Réunir ceux de sa race, les rallier contre l'ennemi commun, telle fut la pensée d'Adrienne après les révélations de Florine; cette pensée, elle regarda comme un devoir de l'accomplir; dans cette lutte contre des adversaires aussi dangereux, aussi puissants que Rodin, le père d'Aigrigny, la princesse de Saint-Dizier et leurs affiliés, Adrienne vit non seulement la louable et périlleuse tâche de démasquer l'hypocrisie et la cupidité, mais encore, sinon une consolation, du moins une généreuse distraction

L'arrivée inattendue de Djalma, les souvenirs qui venaient subitement frapper l'esprit de la princesse, modifièrent sans doute beaucoup ses premiers projets, car, au lieu de poursuivre l'entretien au sujet de la ruine d'Adrienne, Mme de Saint-Dizier répondit en souriant d'un air doucereux, qui cachait une odieuse arrière-pensée: Je serais désolée, prince, de priver mon aimable et chère nièce du plaisir de vous annoncer bientôt l'heureuse nouvelle dont elle parle, et dont, en bonne parente... je me suis hâtée de venir l'instruire... Voici

En disant ces mots d'une voix basse et palpitante de passion, Adrienne, s'accoudant sur les genoux de Djalma, s'était approchée si près... de lui, qu'il sentit sur ses joues le souffle embrasé de la jeune fille... À cette impression enivrante, aux jets de flamme humide que lui dardaient les grands yeux nageants d'Adrienne, dont les lèvres entr'ouvertes devenaient d'un pourpre de plus en plus éclatant, l'Indien tressaillit... une ardeur brûlante le dévora; son sang vierge, brassé par la jeunesse et par l'amour, bouillonna dans ses veines; il oublia tout, et son désespoir et une mort prochaine qui ne se manifestait encore chez lui, ainsi que chez Adrienne, que par une ardeur fiévreuse.

Les émotions dont était agité le coeur d'Adrienne devenaient si vives, que son beau visage se colora d'un rose vif, son sein battit violemment, et ses grands yeux noirs, jusqu'alors tristement voilés, brillèrent doux et radieux

À en mourir... vous dis-je, je l'ai vu... Adrienne fit un mouvement de stupeur; de pâle qu'elle était elle devint pourpre, puis cette rougeur disparut, ses lèvres blanchirent et tremblèrent: son émotion fut si vive qu'elle resta quelques moments sans pouvoir parler, et mit la main sur son coeur comme pour en comprimer les battements. M. de Montbron, presque effrayé du changement subit de la physionomie d'Adrienne, de l'altération croissante de ses traits, se rapprocha vivement d'elle et s'écria: Mon Dieu! ma pauvre enfant, qu'avez-vous! Au lieu de lui répondre, Adrienne lui fit un signe de la main comme pour le rassurer; le comte, en effet, se rassura, car le visage de la jeune fille, naguère contracté par la douleur, l'ironie et le dédain, semblait renaître au milieu des émotions les plus douces, les plus ineffables; l'impression qu'elle éprouvait était si enivrante, qu'elle semblait s'y complaire et craindre d'en perdre le moindre sentiment; puis la réflexion lui disant que peut-être elle était la dupe d'une illusion ou d'un mensonge, elle s'écria tout

À mesure que M. Baleinier parlait, la physionomie d'Adrienne alternativement empreinte d'indignation et de dédain, prenait une singulière expression d'angoisse et d'horreur... En entendant cet homme s'exprimer d'une manière en apparence si naturelle, si sincère, si convaincue, et pour ainsi dire si juste et si raisonnable, elle se sentait plus épouvantée que jamais... Une atroce trahison revêtue de telles formes l'effrayait cent fois plus que la haine franchement avouée de Mme de Saint-Dizier... Elle trouvait enfin cette audacieuse hypocrisie tellement monstrueuse, qu'elle la croyait presque impossible.

Et ce disant, la Thomas tordit comme elle le put cette magnifique chevelure derrière la tête d'Adrienne. Hélas! ce n'était plus la légère et blanche main de Georgette, de Florine ou d'Hébé, qui coiffaient leur belle maîtresse avec tant d'amour et d'orgueil! Aussi, en sentant de nouveau le rude contact des mains de la gardienne, le même tressaillement nerveux dont la jeune fille avait été saisie se renouvela, mais plus fréquent et plus fort. Fût-ce, pour ainsi dire, une sorte de répulsion instinctive, magnétiquement perçue pendant son évanouissement, fût-ce le froid de la nuit... bientôt Adrienne frissonna de nouveau, et peu

Très bien, ma chère enfant, dit le comte en riant aux éclats de la réponse d'Adrienne.

Malgré la profonde surprise que lui causait ce nouvel incident, la princesse, voulant profiter de cette occasion pour se concerter promptement avec M. d'Aigrigny au sujet des menaçantes révélations d'Adrienne, dit