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Mis à jour: 1 juillet 2025


De Paris, le 25 de la lune de Rhégeb, 1713. USBEK A RH

Sans cela, mon cher Usbek, je serois charmé de vivre dans une ville mon esprit se forme tous les jours. Je m'instruis des secrets du commerce, des intérêts des princes, de la forme de leur gouvernement; je ne néglige pas même les superstitions européennes; je m'applique

Comment aurois-je pu vivre, cher Usbek, dans ton sérail d'Ispahan; dans ces lieux qui, me rappelant sans cesse mes plaisirs passés, irritoient tous les jours mes désirs avec une nouvelle violence? J'errois d'appartements en appartements, te cherchant toujours et ne te trouvant jamais, mais rencontrant partout un cruel souvenir de ma félicité passée. Tantôt je me voyois en ce lieu , pour la première fois de ma vie, je te reçus dans mes bras; tantôt dans celui tu décidas cette fameuse querelle entre tes femmes. Chacune de nous se prétendoit supérieure aux autres en beauté. Nous nous présentâmes devant toi, après avoir épuisé tout ce que l'imagination peut fournir de parures et d'ornements: tu vis avec plaisir les miracles de notre art; tu admiras jusqu'où nous avoit emportées l'ardeur de te plaire. Mais tu fis bientôt céder ces charmes empruntés

En quelque pays que j'aie été, j'y ai vécu comme si j'avois y passer ma vie: j'ai eu le même empressement pour les gens vertueux, la même compassion ou plutôt la même tendresse pour les malheureux, la même estime pour ceux que la prospérité n'a point aveuglés. C'est mon caractère, Usbek; partout je trouverai des hommes, je me choisirai des amis.

Mon cher Usbek, il me semble que, pour un vrai musulman, les malheurs sont moins des châtiments que des menaces. Ce sont des jours bien précieux que ceux qui nous portent

Il me semble, Usbek, que nous ne jugeons jamais des choses que par un retour secret que nous faisons sur nous-mêmes.

Adieu, mon cher Usbek, adieu. Compte que je ne vis que pour t'adorer: mon âme est toute pleine de toi; et ton absence, bien loin de te faire oublier, animeroit mon amour s'il pouvoit devenir plus violent. Du sérail d'Ispahan, le 12 de la lune de Rebiab 1, 1711. A Ispahan.

A Paris, le 20 de la lune de Zilhagé, 1713. USBEK A RH

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