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Coquetteries, vanités, fantaisies, inclinations, élégies, passions et ébauches de sentiments, conquêtes dont peuvent dépendre le salut ou la grâce d'un autre, tout s'y rencontre. Mais, qu'il est malaisé de se faire une idée complète des infines degrés sur lesquels l'émotion s'arrête ou auxquels atteint sa marche ascendante, parcourue plus ou moins longtemps avec autant d'abandon que de malice, dans ces pays la mazoure se danse avec le même entraînement, le même abandon, le même intérêt

Il est peu de plus ravissant spectacle que celui d'un bal en Pologne, quand la mazoure une fois commencée, la ronde générale et le grand défilé terminés, l'attention de la salle entière, loin d'être offusquée par une multitude de personnes s'entre-choquant en sens divers comme dans le reste de l'Europe, ne s'attache que sur un seul couple, d'égale beauté, se lançant dans l'espace vide. Que de moments divers pendant les tours de la salle de bal! Avançant d'abord avec une sorte d'hésitation timide, la femme se balance comme l'oiseau qui va prendre son vol; glissant longtemps d'un seul pied, elle rase comme une patineuse la glace du parquet; puis, comme une enfant, elle prend son élan tout d'un coup, portée sur les ailes d'un pas de basque allongé. Alors ses paupières se lèvent et, telle qu'une divinité chasseresse, le front haut, le sein gonflé, les bonds élastiques, elle fend l'air comme la barque fend l'onde et semble se jouer de l'espace. Elle reprend ensuite son glissé coquet, considère les spectateurs, envoie quelques sourires, quelques paroles aux plus favorisés, tend ses beaux bras au cavalier qui vient la rejoindre, pour recommencer ses pas nerveux et se transporter avec une rapidité prestigieuse d'un bout

Est-il donc surprenant que des émotions sans nombre se concentrent dans les rapprochements fortuits amenés par la mazoure lorsque, entourant les moindres velléités du cœur de ce prestige que répandent les grandes toilettes, les feux de la nuit, les surexcitations d'une athmosphère de bal, elle fait parler

Que de courtes amours s'y sont nouées et dénouées le même soir entre ceux qui, ne s'étant jamais vus et ne devant plus se revoir, pressentaient ne pouvoir s'oublier! Que d'entretiens entamés avec insouciance durant les longs repos et les figures enchevêtrées de la mazoure, prolongés avec ironie, interrompus avec émotion, repris avec ces sous-entendus excellent la délicatesse et la finesse slaves, ont abouti

Mais, si fréquents que soient les bals officiels, si souvent même que l'on soit obligé d'y engager quelques personnages qui s'imposent ou de jeunes officiers russes, amis de régiment des jeunes Polonais forcés de servir pour n'être pas privés de leurs privilèges nobiliaires, la vraie poésie, le véritable enchantement de la mazoure, n'existe réellement qu'entre Polonais et Polonaises. Seuls, ils savent ce que veut dire d'enlever une danseuse

On doit ranger parmi ses plus énergiques conceptions la Grande Polonaise en fa-dièse mineur. Il y a intercalé une Mazoure, innovation qui eut pu devenir un ingénieux caprice de bal s'il n'avait comme épouvanté la mode frivole, en l'employant avec une si sombre bizarrerie dans une fantastique évocation.

En Pologne, la mazoure devient souvent le lieu le sort de toute une vie se décide, les cœurs se pèsent, les éternels dévouements se promettent, la patrie recrute ses martyrs et ses héroïnes. En ces contrées, la mazoure n'est donc pas seulement une danse; elle est une poésie nationale, destinée, comme toutes les poésies des peuples vaincus,

Les hommages que les Polonaises ont inspirés ont toujours été d'autant plus fervents, qu'elles ne visent pas aux hommages; elles les acceptent comme des pis-aller, des préludes, des passe-temps insignifiants. Ce qu'elles veulent, c'est l'attachement; ce qu'elles espèrent, c'est le dévouement; ce qu'elles exigent, c'est l'honneur, le regret et l'amour de la patrie. Toutes, elles ont une poétique compréhension d'un idéal qu'elles font miroiter dans leurs entretiens, comme une image qui passerait incessamment dans une glace et qu'elles donnent pour tâche de saisir. Méprisant le fade et trop facile plaisir de plaire seulement, elles voudraient avoir celui d'admirer ceux qui les aiment; de voir deviné et réalisé par eux un rêve d'héroïsme et de gloire qui ferait de chacun de leurs frères, de leurs amoureux, de leurs amis, de leurs fils, un nouveau héros de sa patrie, un nouveau nom retentissant dans tous les cœurs qui palpitent aux premiers accents de la Mazoure liée

Pour comprendre combien ce cadre était approprié aux teintes de sentiments que Chopin a su y rendre avec une touche irisée, il faut avoir vu danser la mazoure en Pologne; ce n'est que l