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Au partir de ce lieu, il s'attacha au service d'une fille studieuse. D'abord cette condition luy plut fort, parce qu'il espera d'y apprendre beaucoup de choses et de n'y manquer point d'employ. Cette fille, nommée Polymathie , n'avoit pas eu la beauté en partage, tant s'en faut; sa laideur estoit au plus haut degré, et je ferois quelque scrupule de la descrire toute entiere, de peur d'offenser les lecteurs d'imagination delicate. Aussi n'est-il pas possible que les filles se puissent piquer en mesme temps de science et de beauté; car la lecture et les veilles leur rendent les yeux battus, et elles ne peuvent conserver leur teint frais ou leur enbonpoint, si elles ne vivent dans la delicatesse et dans l'oysiveté. Outre qu'il leur est difficile de ménager pour l'estude quelque heure d'un jour qui n'est pas trop long pour se parer et pour se farder. Mais, d'un autre côté, Polymathie avoit l'esprit incomparable, et elle parloit si bien qu'on auroit peu estre charmé par les oreilles, si l'on n'avoit point esté effrayé par les yeux. Elle sçavoit la philosophie et les sciences les plus relevées; mais elle les avoit assaisonnées au goust des honnestes gens, et on n'y reconnoissoit rien qui sentist la barbarie des colleges. Ses admirables compositions en vers et en prose attiroient aupres d'elle les plus apparens et les plus polis de son siecle. Le dieu d'amour, estant chez elle, ne voulut pas laisser ses armes inutiles; mais il arresta quelque temps son bras,

L'oysiveté est dommageable A un esprit infatigable Qui cherist la diversité; Le mien, qui jamais ne se lasse, Veut faire voir comme se passe Le temps aux couches limité. Aprestez vos gorges pour rire De ce que j'ay voulu descrire En ces Caquets d'accouchement; La matière est si trivialle, Qu'il n'y a suject qui l'égale Pour prendre du contentement.

Il seroit bien difficile & non necessaire, de descrire de toutes les especes d'oyseaux, qui sont dans l'estendue de ces larges Provinces, ce peu que j'en ay descrit peut suffire, pour faire voir que le Ciel a l

C'est pourquoy je prie le Lecteur d'avoir pour agreable ma maniere de proceder, & d'excuser si pour mieux faire comprendre l'humeur de nos Sauvages, j'ay esté contrainct inserer icy plusieurs chose inciviles & extravagantes; d'autant que l'on ne peut pas donner une entiere cognoissance d'un pays estranger, ny ce qui est de son gouvernement, qu'en faisant voir avec le bien, le mal & l'imperfection qui s'y retrouve: autrement il ne m'eust fallu descrire les moeurs des Sauvages, s'il ne s'y trouvoit rien de sauvage, mais des moeurs polies & civiles, comme les peuples qui sont cultivez par la religion & pieté, ou par des Magistrats & sages, qui par leurs bonnes lois eussent donné quelque forme aux moeurs si difformes de ces peuples barbares, dans lesquels on void bien peu reluire la lumiere de la raison, & la pureté d'une nature espuree.

Il est presque impossible que ceux qui font profession de descrire les choses qui se retrouvent dans l'estendue d'un grand pays ne se trompent quelque fois comme ont fait, ceux qui ont dit que dans l'Amerique il n'y avoit anciennement aucuns cedres ny vignes, car nous en avons veu en abondance, & mesmes des Isles, qui en estoient toutes couvertes dans le pays de nos Hurons, & és contrées Algoumequines qui n'y ont jamais esté apportées d'ailleurs, bien est il vray qu'il n'y avoit avant la venuë des Espagnols, aucuns orangers, limoniers, grenadiers, figuiers, poiriers, de coings, ny oliviers, & entre les grains, il ny avoit non plus de froment, seigles, n'y de toutes les sortes de bleds, excepté de celuy que nous appelons d'Inde, ny du ris, des melons, ny beaucoup d'autres especes de fruicts, de plantes, & de racines que nous avons en nos jardins, & par la campagne, & és forests de nostre Europe, aussi en ont ils plusieurs autres sortes, & especes que nous n'avons pas icy & qui nous sont aussi rares, qu'

Il est très certain que quand il se fait quelque nouvelle decouverte, on est assez curieux d'en descrire le temps, ce que les Anglois ny les autres nacions n'ont oublié suivant les Memoires qui leur en ont esté envoiez de ce qu'il s'est fait en semblable occasion; et cependant il ne se trouve aucun auteur qui dise que les Anglois aient esté avant les François en Amérique.

A un prince tolli la bannière le duc d'Osteriche, assez près d'Acre; toute la desrompi et despeça, puis la fist jetter en une chambre courtoise , en vilté et en despit du duc. Mais pour ce que n'avons pas en volenté, n'en propos de descrire les fais aux roys d'Angleterre, drois est que nous retournons

Ut semper referant de te bona verba vicissim Et pascant dominam laudibus usque tuis. Je te exorte estre habandonné Aux servans sans les escondire Car si tu leur as rien donné A leur maistresse le yront dire Et ta grant largesse descrire Tes vertus et grans preminence Si qu'en la fin sans contredire Elle aura en toy confidence.

C'est pourquoy je prie le Lecteur, d'avoir pour agréable ma manière de proceder, & d'excuser si pour mieux faire comprendre l'humeur de nos Sauvages, j'ay esté contraint d'inserer icy plusieurs choses qui sembleront inciviles & extravagantes, d'autant que l'on ne peut pas donner une entiere cognoissance d'un pays estranger, ny ce qui est de son gouvernement, qu'en faisant voir avec le bien, le mal & l'imperfection qui s'y retrouve: autrement il ne m'eust failli descrire les moeurs des Sauvages, s'il ne s'y trouvoit rien de Sauvage, mais des moeurs polies & civiles, comme les peuples qui sont cultivez par la Religion & pieté, ou par des Magistrats & Sages, qui par leurs bonnes loix eussent donné quelque forme aux moeurs si difformes de ces peuples barbares, dans lesquels on void bien peu reluire la lumiere de la raison, & la pureté d'un nature espurée.